L’Administration prise en faute
Elément d’introduction
Position du sujet :
La question de l’Administration prise en faute fait appel à la responsabilité de l’Etat dans son ensemble. Or, historiquement, l’irresponsabilité de l’Administration du fait des agissements était de règle jusqu’en 1870. Avant cette période, les préjudices résultant de l’activité administrative étaient peu fréquents et peu nombreux parce que l’activité de l’Etat était très réduite. C’est la période de l’Etat gendarme.
En outre, il subsistait la vielle maxime suivant laquelle, le Roi ne peut mal faire, maxime qui sera déconstruite après la révolution de 1789. Toutefois, les révolutions ont conservé l’idée de la souveraineté de l’Etat tout en changeant le titulaire. Le système de responsabilité prévu à l’époque était celui institué par le Code civil dans ses articles 1382 à 1386. Ce système étant un système de responsabilité pour faute, ne pouvait pas s’appliquer à l’administration au motif que celle-ci ne saurait mal faire.
Ce n’est qu’à partir de 1870 avec la chute du second empire suivi par l’avènement de la 3ème République qu’émerge un régime libéral institué par lune République parlementaire. Cela a eu pour conséquences l’institutionnalisation progressive de la responsabilité politique avec pour corolaire la responsabilité de l’Administration sur fond de l’Etat providence. Cette responsabilité de l’Administration est consacrée par la jurisprudence du Tribunal des conflits du 08 février 1873, Blanco.
L’Administration peut donc causer des dommages susceptibles d’engager sa responsabilité. Cet héritage est reçu par notre droit administratif.
Définition des termes
L’Administration : le candidat devra distinguer l’administration publique concernée par le sujet de l’administration privée. Le sujet vise donc l’Administration publique c'est-à-dire l’ensemble constitué du Service public et de la Puissance pour reprendre une distinction classique opérée par les théoriciens de l’Eole de Bordeaux (Duguit Léon : Administration publique comme manifestation de la puissance publique) et l’Ecole de Toulouse (Hauriou : Administration publique comme expression du Service public). On signalera utilement la thèse de Georges Vedel sur les bases constitutionnelles du droit administratif qui, sans opérer un choix définitif semble glisser vers une prise en compte de l’importance de la puissance dans l’activité administrative.
Cette mise en perspective étant faite, l’Administration se définit comme l’ensemble de services, des personnes, des biens et d’institutions qui concourent à la réalisation des missions d’intérêt général. L’administration publique ici sera prise au sens général intégrant l’administration de l’Etat, l’administration locale ainsi que les grands services publics avec pour double perspective déjà rappelée : le Service public et la Puissance publique.
Prise en : être attrapé, appréhendé, interpellé par rapport à un acte, un fait ou une situation quelconque.
Faute : la faute de l’Administration ou la faute administrative est constituée par un fonctionnement défectueux de service c'est-à-dire, tout manquement aux règles qui constituent les obligations du service ou encore le fait pour tel service public, de ne pas fonctionner, de fonctionner avec retard, de fonctionner de façon anormale.
Le candidat pourra utilement distinguer :
Faute du service public c'est-à-dire, en matière de responsabilité de l’Administration, tout défaut de fonctionnement des services publics de nature à engager la responsabilité pécuniaire de l’Administration à l’égard des administrés ;
Faute de service, en matière de responsabilité de l’agent, toute faute qui, n’ayant pas le caractère de faute personnelle, ne peut engager la responsabilité civile de son auteur que ce soit envers l’Administration ou envers les administrés ;
Faute de responsabilité, en matières de responsabilité de l’agent public, toute faute qui présente au regard de la jurisprudence des caractères propres à engager la responsabilité pécuniaire de son auteur.
Problématique
La question qui se pose ici est de déterminer dans quelles hypothèses l’Administration peut être prise en faute et qu’est ce qu’elle encourt ? En d’autres termes, il s’agit de présenter le régime de la responsabilité pour faute de l’Administration et les sacralités de sanction de la faute de l’Administration.
Annonce du plan
Le sujet pose le problème de la responsabilité extraordinaire des personnes publiques lorsque celle-ci est fondée sur un fait fautif et qu’elle a été identifiée comme telle. La faute devient ainsi le fondement le plus évident de la responsabilité de la puissance publique. Mais l’administration, entité abstraite, n’est pas à l’origine directe de la commission de la faute.
Ce sont ceux qui agissent en son nom qui sont les auteurs du fait dommageable, de tell sorte que la responsabilité des personnes publiques est une responsabilité du fait d’autrui.
Encore faut-il déterminer dans quelle mesure la faute de l’agent est liée au service assuré par la personne publique.
Pour répondre à la question posée, il convient d’examiner dans un premier temps le fait fautif fondement (générateur) d’une responsabilité extracontractuelle de la personne publique (I) et dans un second temps, l’imputation de la faute et les modalités de réparation.
Première partie : LA FAUTE : FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE DE L’ADMINISTRATION
- A.Typologie des fautes de l’Administration
La faute de l’administration peut résulter d’un acte ou d’un fait. Il est évident que le fait fautif regroupe les deux catégories : la faute personnelle et la faute de service. Cette typologie par le doyen J. Laferrière dans ses conclusions à propos de l’arrêt Laumonnier-Carriol, T.C., 05 mai 1877.
- 1.La faute de service :
- Eléments constitutifs (défaillance dans l’organisation ou le fonctionnement des services publics, défaut de surveillance ou d’entretien, négligence, accident de circulation causé par un véhicule administratif).
- Appréciation concrète : il y a faute de service selon la formule classique du doyen Laférrière, « si l’acte dommageable est impersonnel, s’il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur ».
- 2.La faute personnelle
- Le direct c'est-à-dire qu’il doit résulter directement de l’activité administrative : (Arrêt n°35/CS/CA du 22 fécrier 1979, CNPS c/United Cameroon International Compagny) ;
- Spécial, c'est-à-dire particulier à un individu ou à une catégorie d’individus bien délimité (Arrêt n°10/CFJ/CAY du 21 mars 1951, Sieur Thine c/Administration du territoire).
- Matériel ou moral (Arrêt n°10/CFJ/CAY du 16 mars 1957, Dame Kwedi Augustine c/Etat du Cameroun ; CS/AP, du 24 mars 1983, Njikiakam Thomas Maurice c/Etat du Cameroun).
- 3.Les causes exonératoires
La responsabilité de l’Administration est atténuée voire exclue s’il s’avère qu’une cause étrangère est intervenue dans la réalisation du dommage. Dans le cadre du régime de la responsabilité pour faute, objet du sujet posé, cette cause étrangère revêt quatre formules :
- La faute de la victime (Arrêt n°279/TE du 11 mai 1963, Nkoa Ndi Sylvestre c/Etat du Cameroun ;
- La force majeure c'est-à-dire la survenance d’un évènement étranger à l’autre d’un dommage imprévisible dans sa survenance et irrésistible dans les effets.
- Le fait d’un tiers c'est-à-dire que le dommage a été provoqué par une personne étrangère à l’administration ;
- Le cas fortuit c'est-à-dire lorsqu’on y ignore la cause exact du dommage.
Seconde partie : LA REPARATION, CONSEQUENCE DE LA RESPONSABILITE DE L’ADMINISTRATION
- A.La variabilité de l’étendue de la réparation
- 1.La répartition totale ou intégrale
L’indemnisation accordée à la victime a pour but la réparation intégrale du préjudice subi. Il s’agit de réparer le préjudice, tout le préjudice, mais rien que le préjudice. Ce principe a trouver une applique concrète en matière de fonction publique avec le problème des fonctionnaires illégalement révoquées et qui sont par la suite intégrés dans leurs fonctions (Arrêt Belinga Zé Thomas c/Etat du Cameroun, 23-02-1978 ; Atangana Eloundou Cyprien, 31-05-1979 ; Njikiakam Thomas Maurice précité).
- 2.La préparation partielle
Elle est envisagée en cas de responsabilité entre l’Administration et la victime (Arrêt n°210/CCA du 5 décembre 1952, Comeca c/Bourdin et Chaussée).
- B.La juridiction compétente
La juridiction compétente peut être soit administrative, soit judiciaire
- 1.L’étendue de la compétence du juge administratif
Le juge administratif est compétent si le litige porte sur une des matières énumérées à l’Article 9 alinéas 2 de l’Ordonnance 72/06 du 26 août 1972, fixant l’organisation de la Cour Suprême.
- 2.Les cas d’intervention du juge judiciaire
Le juge judiciaire intervient conformément à l’article 9 alinéas 3 et 4 de l’Ordonnance susvisée, à savoir les cas de substitution de plein droit prévue à l’article 3 et dans le cadre de la voie de fait et de l’empire prévue à l’article 4.