La répartition des compétences au sein du pouvoir exécutif au Cameroun

 

Définition des concepts

 

 

La loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 institue trois (3) pouvoirs au sein de l’Etat : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.

Le pouvoir législatif qui est celui de légiférer les lois, est exercé par le Parlement.

Le pouvoir judiciaire qui est celui de rendre justice est exercé par la Cour Suprême, les cours d’appel e les Tribunaux.

Le pouvoir exécutif quant à lui qui s’entend comme celui chargé d’exécuter les lois, est détenu et exercé par le Président de la République d’une part, et le gouvernement d’autre part.

La répartition peut s’entendre comme la division, la distribution, le partage ou l’ordonnancement. La répartition des compétences renvoie à la manière dont les attributions sont partagées au sein de l’exécutif.

La compétence de manière générale renvoie à l’aptitude légale pour une autorité publique à accomplir un acte ou une mission.

Contexte

 

            La répartition des compétences au sein du pouvoir exécutif au Cameroun est la manifestation de la volonté du consultant qui, dans une dynamique fondamentale de l’Etat a posé le bicéphalisme de l’exécutif comme gage de consolidation d’une unité en pleine construction.

Problématique

La question qui se pose est alors de savoir quels sont le contenu, l’étendue et les limites des compétences dévolues à chaque composante de l’Exécutif au Cameroun ?

Le titre II de la Constitution en apporte globalement la réponse en distinguent les attributions du Président de la République (I) de celles du gouvernement (II).

I-       Les attributions du Président de la République

La Constitution spécifie et distingue les pouvoirs traditionnels du Président de la République en temps normal de ceux qui lui sont conférés en période de circonstances exceptionnelles.

Parmi les immenses pouvoirs du Présidents de la République, il conviendrait pour les besoins de l’analyse, de distinguer ceux qui lui sont reconnus et qu’il exerce comme Chef de l’Etat et Patron de l’exécutif, de ceux qui lui sont dévolus en tant que clé de voûte du système et qui se traduisent par une incursion dans le domaine législatif et judiciaire, manifestations de sa prééminence sur les autres pouvoirs et le système politique et institutionnel camerounais.

  1. A.Président de la République comme Chef de l’Etat

Les attributions qu’il exerce dans ce cadre couvrent autant la sphère politique, administrative, institutionnelle, diplomatique, militaire que civile.

Ainsi, il :

-          Définit la politique de la nation ;

-          Veille au respect de la Constitution ;

-          Assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ;

-          Est garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la permanence et de la continuité de l’Etat ;

-          Veille au respect des traités et accords internationaux (article 5 de la Constitution) ;

-          Représente l’Etat dans tous les actes de la vie politique (article 8) ;

-          Est le Chef des Forces Armées (article 8) ;

-          Veille à la sécurité intérieure et extérieure de la République ;

-          Accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ;

-          Exerce le pouvoir règlementaire ;

-          Crée et organise les services publics de l’Etat ;

-          Nomme aux emplois civiles et militaires de l’Etat ;

-          Confère les décorations et les distinctions honorifiques de la République ;

-   Nomme le Premier Ministre et sur proposition de celui-ci, les autres membres du gouvernement, il fixe leurs attributions, met fin à leur fonctions et préside les conseils ministériels.

  1. B.Le Président de la République comme clé de la voûte du système politique et institutionnel camerounais

1-      Le Président de la République dans ses relations avec les pouvoirs législatifs et judiciaires

Dans ce cadre, le Président de la République :

-   Jouit de l’initiative des lois concurremment avec le Parlement ;

-   Jouit de l’initiative de révision de la Constitution concurremment avec le Parlement ;

-   Promulgue les lois ;

-   Peut demander un examen en seconde lecture des lois en cas des désaccords avec le Parlement ;

-   Peut prendre des ordonnances ayant force de loi sur habilitation ;

-   Peut reconduire par douzaine le budget de l’exercice précédent jusqu’à l’adoption du nouveau budget ;

-   Peut dissoudre l’Assemblée Nationale et le Sénat ;

-   Peut demander à l’Assemblée Nationale de proroger ou d’abréger son mandat ;

-   Est le président du Conseil Supérieur de la Magistrature. A ce titre, il promeut, nomme et révoque les magistrats du parquet et du siège ;

-   Exerce le droit de grâce après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature.

2-      Le Président de la République, Maître du jeu politique, de la régulation du système institutionnel et de la vie nationale

A ce titre, le Président de la République :

-   Saisit le conseil Constitutionnel relativement à la constitutionnalité des lois, traités et accords internationaux, des règlements intérieurs de l’Assemblée Nationale et du Sénat, aux conflits d’attribution entre les Institutions de l’Etat, entre l’Etat et les régions, entre les régions.

-   Nomme les membres du Conseil constitutionnel ;

-   Peut recourir au référendum ;

-   Convoque le corps électoral pour les différents types de scrutin ;

-   Jouit du pouvoir de dissolution du parlement comme institution de régulation politique.

3-      Le Président de la République, détenteur des prérogatives exceptionnelles

-    Le Président de la République et l’Etat d’urgence

Le Président de la République peut, lorsque les circonstances l’exigent, proclamer par décret, l’état d’urgence qui lui confère les pouvoirs spéciaux dans les conditions fixées par la loi ;

-    Le Président de la République et l’Etat d’exception

Le Président de la République peut, en cas de péril grave menaçant l’intégrité du territoire, la vie, l’indépendance ou les institutions de la République, proclamer par décret l’état d’exception et prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires. Il en informe la Nation par voie de message.

II-                Les attributions du gouvernement

Si le Gouvernement est globalement chargé de la mise en œuvre de la politique de la Nation telle que définie par le Président de la République, il convient de distinguer les attributions du Premier Ministre de celles des autres membres du gouvernement (Ministres et Secrétaires d’Etat).

A-    Les attributions du Premier Ministre

Elles varient selon qu’il est Chef du Gouvernement ou appréhendé comme Autorité normative.

  1. 1.Le Premier Ministre comme Chef du Gouvernement

En cette qualité, le Premier Ministre :

-   coordonne la préparation des lois de finances et assure l’arbitrage budgétaire ;

-   propose au Président de la République la nomination des Membres du gouvernement ;

-   dirige, coordonne, contrôle, impulse et anime l’action gouvernementale ;

-   dirige tous les services administratifs nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;

-   présente à l’assemblé nationale le programme économique, financier, social et culturel du gouvernement ;

-   peut, après délibération du Conseil ministériel, engager, devant l’Assemblée Nationale, la responsabilité du gouvernement sur un programme ou, le cas échéant, sur une déclaration de politique générale ou le vote d’un texte ;

-   autorise les déplacements des agents publics à l’étranger et ceux des Membres du Gouvernement à l’intérieur du pays ;

-   vise ou approuve préalablement la plupart des actes ministériels :

-   préside les conseils de cabinet et réunions interministérielles.

  1. 2.Le Premier Ministre : autorité normative

Il est chargé de l’exécution des lois et à ce titre, il :

-   jouit d’un pouvoir règlementaire d’exécution des lois par lequel il signe les décrets, arrêtées, et décisions fixant les modalités d’application des lois ;

-   coordonne l’élaboration des projets de lois soumis par le Gouvernement qu’il présente au Président de la République ;

-   vise au préalable les actes règlementaires pris par les Ministres

Les pouvoirs règlementaires autonomes du Premier Ministre :

Le Premier Ministre jouit et exerce le pouvoir règlementaire dans le cadre de ses missions statutaires, sous réserve des prérogatives reconnues au Président de la République dans ce domaine. A ce titre, il nomme à certains emplois publics (Directeurs d’Administration centrale après visa de la PRC) et appose le visa sur les nominations des responsables des ministères placés sous son autorité.

 

  1. 3.Les autres prérogatives du Premier Ministre 

Par ailleurs, le Premier Ministre :

-                            est l’Autorité chargée des Marchés publics ;

-         assure la haute Autorité des Contrats de Partenariat ;

-         préside de nombreuses instance consultatives dont notamment le Conseil National de la Décentralisation, le Conseil National du Tourisme, le Conseil National de la Route, le Conseil de Régulation et de compétitivité, le Conseil Supérieur de la Fonction Publique, etc.

B-    Les compétences des autres Membres du gouvernement

1-       Les membres du Gouvernement titulaires d’un portefeuille (Chef de Département ministériel)

Ils sont chargés de conduire la politique gouvernementale, dans un secteur donné dont ils assurent la préparation, l’élaboration et la mise en œuvre des mesures. Sous l’autorité du Premier Ministre, les Ministre, Chef de Département Ministériel sont responsables de la politique gouvernementale dans leurs secteurs de compétences et assurent la direction politique, administrative et technique du ministère qui leur est convié. Ils disposent pour l’accomplissement de leur mission, une administration centrale, des services déconcentrés, des ressources humaines, matérielles et financières dont ils assurent la gestion à titre principal. Ils nomment aux emplois civiles jusqu’au rang du Directeur adjoint, après visa du Premier Ministre. Ils exercent le pouvoir règlementaire par voie d’arrêté et de décision sous l’autorité du Premier Ministre et initient les avant projets de texte législatifs et règlementaire.

2-       Les Membres du Gouvernement sans portefeuille ministériel

Il s’agit de certains ministres délégués à l’exception de ceux placés auprès du Chef de l’Etat, les ministres chargés de missions et des secrétaires d’Etat. Les ministres délégués sont placés auprès des ministres et sont chargés de les assister. Un secteur précis de compétences du ministère peut leur être statutairement confié. Les ministres chargés de missions sont des proches collaborateurs du Président de la République qui peut leur confier toutes missions non clairement définies.

Quant aux secrétaires d’Etat, il assiste également les ministres et peuvent être spécialement chargés d’un secteur particulier de l’activité du ministère (Gendarmerie pour la défense…).

Les ministres délégués non titulaire d’un porte feuille ministériel et les secrétaires d’Etat exercent leurs missions sous l’autorité du chef du département ministériel de rattachement.

Conclusion

 

La dévolution des compétences au sein du pouvoir exécutif camerounais prouve à suffisance la prééminence du Président de la République non seulement au sein de l’exécutif, mais sur l’ensemble du système politique. Il dispose d’innombrables moyens d’actions, preuve du caractère présidentiel du régime politique camerounais dont le président de la république, véritable clé de voûte, un épicentre.

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